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S O S Mariage mixte
28 juin 2005

les enfants de l'autre

La majorité des migrants africains pauvres ont des enfants. Même pour les hommes de 22 ans, avoir un ou deux enfants est plus la norme que l'exception (NB: voire sous « but du blog » pour éviter les confusions, je ne parle pas ici de tous les Africains, loin de là). Très souvent aussi, garantir un avenir à ces enfants est la cause première de la migration. Dans les couples mixtes, la question de « faire monter » le/les enfants se pose donc rapidement, en tout cas quand il s'agit d'une relation d'amour et non d'une relation « tremplin », visant à permettre une installation la moins précaire possible sur le continent en attendant de trouver la « vraie » solution, celle permettant de faire venir les enfants.

A brève échéance, c'est donc la construction d'une famille recomposée qui se produit. Avec les difficultés et les bonheurs, qui, je l'imagine, caractérisent toute famille recomposée.

 

Des familles de ce type, j'en connais des heureuses. Le mari européen dans la quarantaine voit son rêve de vie de famille se réaliser, lui qui, pour des raisons x ou y, a tardé à en avoir. Il ne fait pas de différence entre les enfants du premier lit et ceux qu'il a peut-être avec sa femme africaine. Bref, il est le père. Les enfants manifestent un désir forcené de s'intégrer (je le constate, c'est tout, pas de jugement de ma part). Ils ont envie de visiter Paris, préféreraient aller à la mer qu'au pays, ne savent plus danser (au désespoir des parents africains, qui mettent un max de pression et se plaignent de ces enfants devenus « blancs » si rapidement). Les années de séparation entre le moment de l'immigration du parent et celle de l'enfant ont laissé des traces, les mères constatent douloureusement que l'enfant s'est comme un peu détaché d'elle, qu'elles-mêmes ont perdu un peu de leur spontanéité, mais pas toutes et pas toutes durablement. Quoiqu'il en soit, elles ne regrettent pas leur choix, les enfants vivent dans l'insouciance, ils vont à l'école, ils ont des copains, ils sont ici comme si ils y étaient nés, éloignés à jamais de la malaria et de la malnutrition. Le mari les emmène skier, leur apprend à nager, fait des courses de montagne avec eux. Lui aussi est fier d'eux.

 

Et puis j'en connais des catastrophiques. Où le mari est vieux et n'a aucune envie de jouer le rôle de père. Il a déjà donné. Il vit l'arrivée des enfants comme une invasion intolérable de son territoire. Sans compter que les enfants pourraient être ses petits-enfants, ce qui redouble le mécontentement des siens, d'enfants, qui voudraient le voir jouer un rôle de grand-père. Où le mari est par bien des traits un enfant lui-même, il veut sa femme pour lui tout seul, qu'il soit sa seule préoccupation, tout au moins en apparence. Devoir jouer un rôle d'adulte, il en est peu capable. Le plus souvent, dans ce type de cas, le mari demande assez rapidement le divorce, et c'est tant mieux tant l'air est irrespirable dans ces foyers.

 

Et que se passe-t-il lorsque c'est l'homme qui est africain ? Dans mon entourage, la situation est un peu différente lorsque c'est l'homme qui est africain parce que, généralement, c'est un enfant d'une relation « en passant » et que l'homme n'a jamais vécu avec le ou les enfants (il s'agit alors généralement des enfants de femmes différentes- ils vivent avec elle ou dans sa famille à elle si elle est décédée). Il a peut-être pris en charge une partie des frais liés à cet enfant, peut-être a-t-il une relation personnelle avec l'enfant, mais pas forcément. L'enfant n'est généralement pas la cause première de la migration. La cause première, c'est que cet homme n'a pas trouvé sa place, pas de travail, pas de logement à lui, il squatte sur le canapé chez un de ses frères et c'est dans l'espoir de gagner de l'argent et fonder à son tour un foyer qu'il est parti en Europe.
L'idée de « faire monter » l'enfant en Europe est souvent présente, mais à des degrés divers. Et c'est en fait pour ça que j'écris ce post, parce que je suis tellement écoeurée du malheur que je vois dans le foyer d'un couple où les enfants du mari sont « montés » sans que n'ait été préalablement analysée en profondeur la situation. Voici l'histoire. J'espère qu'il s'agit d'un cas isolé.
Le mari a 3 filles de deux mères différentes. Une des mères, celle qui a les deux filles aînées, aurait beaucoup voulu avoir le droit de garde des filles. Mais vivant dans une société fortement patriarcale, elle ne l'a jamais obtenu. C'est le grand-père paternel qui a continuellement décidé du sort des enfants, dans un souci très relatif de leur bien-être. Quand mon amie s'est mariée, les filles vivaient chez ce grand-père, qui se faisait passer pour leur père (situation très anormale, même dans cette culture). Le mari ne parlait jamais de ses filles, nous ignorions qu'il en même qu'il en avait (là aussi, très bizarre, les pères africains aiment autant parler de leurs enfants que les autres). Le mari ne téléphonait pas non plus à ses filles, bien qu'il dépensait plusieurs centaines d'euros en téléphone avec sa famille. Mais la situation faisait « tache » : ses amis ne comprenaient pas pourquoi il ne se précipitait pas pour faire venir ses filles,  leur église non plus. Il semblait indispensable que ses filles vivent avec lui, fortement injuste qu'elles ne puissent pas profiter de la « chance » de vivre en Europe. Elles sont arrivées en juillet dernier. A leur arrivée, elles ont pu téléphoner à leur mère et puis.... plus rien, aucune proposition de faire acheminer une lettre ou de téléphoner. Elles n'avaient qu'à comprendre que leur belle-mère était dorénavant leur « mère », qu'elles devaient l'appeler « maman » et ce n'était pas censé poser le moindre problème « c'est comme ça en en Afrique ». Mais ça en a posé, et ça continue, dans une spirale infernale. Les filles ont pris du poids, beaucoup de poids, 10 kg en un mois. Elles ne l'ont pas reperdu. A l'école, elles n'ont rien appris, un blocage complet, les deux aînées sont en échec scolaire massif . Leur désir  : retourner au pays, vivre avec leur mère (la vraie !). Elles l'ont demandé à leur père. Il refuse. Elles dépriment. Elles écoutent la musique du pays à plein tube, dorment, regardent la télé.La moyenne a un visage tellement sérieux et des yeux si tristes. L'aînée économise chaque centime de son argent de poche et le fait parvenir à sa mère lorsqu'un compatriote se rend au pays. Elle se fait sans doute du souci. Pour se rapprocher de ses filles envoyées en internat, leur mère a quitté son atelier d'artisanat. A la grande ville, elle a essayé d'en refaire un, mais ça ne marche pas. Elle vend des médicaments à la sauvette. La fille rêve de payer un nouvel atelier à sa mère. Elle en a parlé à sa « maman », elle fait la sourde oreille. Ils ont acheté plutôt une 2ème voiture, plus grande, en prévision des autres enfants que le couple veut faire.

 

Si seulement...si seulement ce couple s'intéressait plus aux besoins des enfants qu'aux pressions normatives de part et d'autres. Il aurait réfléchi que l'argent des allocations familiales versées au mari par son employeur équivalait à plusieurs mois de salaire au pays. Il aurait pu avoir l'idée d'envoyer directement cet argent à la mère des filles, histoire de contourner ses frères voraces. Qu'avec cet argent, la mère pouvait assurer les frais de n'importe quelle scolarité des filles, les habiller comme des princesses , les vacciner contre tout, installer une source d'eau potable, etc. Peut-être bien ouvrir un commerce, avoir un meilleur statut et pourquoi pas, enfin, se marier et offrir ainsi un père aux filles. Peut-être que mon amie aurait pu avoir l'idée que si un homme ne s'est pas occupé de sa fille pendant 16 ans, y compris 3 en Suisse, c'est que ce monsieur n'avait pas la fibre paternelle très développée. Peut-être qu'il aurait été possible de discuter avec la mère de l'avenir des filles, notamment la plus grande, et faire un projet pour qu'elle reste un temps restreint en Europe, le temps d'acquérir une formation qui puisse lui être utile sur place, tenir compte de ses aspirations plutôt que de la faire passer pour 13 ans (au lieu de 17!). Il aurait fallu discuter plutôtqu'imposer. Prendre le temps de la réflexion. Si seulement...il aurait fallu..mais a-t-il seulement été un jour question de l'intérêt des enfants, dans cette histoire ? En sera-t-il jamais question ?

 

Ici aussi, il existe des hommes qui se sont désintéressés de leurs enfants. Trouverait-on légitime qu'ils en aient soudainement la garde exclusive ? Pourrait-on imaginer que cela soit bénéfique pour les enfants ? Pensez-y avant de donner votre accord. Exigez de les voir en vacances avant plusieurs fois et de pouvoir discuter avec la ou les mères. Et prenez votre temps. Tout votre temps. Il s'agit d'une forme d'adoption. Donnez vous les moyens qu'elle réussisse et soyez sûre que cette option est celle qui correspond à l'intérêt supérieur de l'enfant, pas au vôtre ou celui de votre conjoint.
Et ne croyez pas les salades sur le fait que les enfants africains seraient moins attachés à leur mère que les européens. Même si toutes les femmes sont appelées "maman", ils savent très bien qui est leur mère biologique et si c'est une personne autre que la mère biologique qui tient le rôle de mère, ils n'y sont pas moins attachés que les enfants adoptés à leur mère d'adoption, qu'on se le dise ! L'adoption comme on la connaît en Europe est très peu pratiquée en Afrique, mais cela ne veut pas dire que les parents de coeur ne soient pas aussi important qu'ici. Autre salade : les enfants sont élevés "collectivement". En fait, tous les adultes ont le droit d'intervenir, comme gronder l'enfant, voire le taper, émettre un jugement sur son comportement, lui demander un service, etc. Mais la responsabilité d'élever l'enfant incombe à un seul couple et il s'agit le plus souvent du père et de la mère biologiques de l'enfant. Ce qui est vrai par contre, c'est que les grands enfants s'occupent beaucoup de leurs petits frères et soeurs et que les enfants vivent beaucoup dans des "groupes d'enfants". Un enfant arraché à ce groupe d'enfant pour cause de migration peut donc en être très affecté, en tout cas pour un temps.

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Commentaires
L
Bravo, j'apprécie beaucoup ce passage sur les enfants et leurs intérèts. Je me sens proche de votre point de vue, plein de bon sens et d'intélligence de coeur.<br /> j'ai vécu de près, un de ces drames d'enfant venu de force en Europe, pour retrouver un Père qu'il ne connaissait pas, et qui n'a jamais eu aucun geste d'accueil ou d'affection pour lui. L'enfant, dans l'impossibilité de s'adapter, devient féroce et invivable, c'est la seul solution immédiate pour sa survie. Le père négligeant et sans amour, ni respect, ni même compassion pour son enfant, le bat pour le dresser. L'infirmière scolaire le voit, la protection de l'enfance intervient. Le père renvoi l'enfant au pays durant l'enquète, et il ne sera jamais dérangé pour maltraitance. Le père est fière de ses actes et d'avoir déjoué les lois des blancs, jamais un mot pour la souffrance de l'enfant. L'enfant urine au lit toute les nuits, il a passé treize ans... Cet enfant rejetté de toute part, père, mère au pays complètement désinteressée, belle mère furieuse ici, et grand- mère dépassée là-bas n'a aucun refuge valable, sa vie n'est que souffrance et rejet... Je rêve d'une association Africaine souhaitant sauver ses enfants perdus entre deux continents, deux cultures...
C
bonjour<br /> j'ai rencontré ressament une jeune femme africaine sur le net et c'est l'amour fou!!! elle est d'origine camerounaise et je suis plus agé qu'elle ( elle :23 ans et moi 49 ans) comment puis je prouver que ce n'est pas pour de la prostitution!!?
M
c'est avec beaucoup d'intér^t que je vous lis régulièremment . je vous trouve très objective et tout ce que vous avez écrit jusqu'à présent correspond à ma manière de penser.<br /> <br /> Je suis contente que vous souleviez cette "hargne" qu'ont les africains de vouloir absolumment faire venir toute la famille en europe. Lorsque je regarde autour de moi, je vois pas mal de gens malheureux ici qui l'auraient été beaucoup moins en Afrique, quoique de manière différente.<br /> Dans le cas où il s'agit des enfants biologiques dela personne, je n'y trouve rien à redire pour autant qu'il y ait eu de véritables liens en Afrique. Mais le plus souvent, on "adopte" les cousins et cousines mineurs et on les prive ainsi de liens avec leurs parents avec la bénédiction de ceux-ci, tout en essayant de se convaincre qu'on est le sauveur de la famille.<br /> Je n'ai jamais compris en quoi un enfant mineur (n'ayant pas encore terminé son secondaire)serait plus heureux en europe auprès d'un cousin qu'il n'a plus vu depuis longtemps plut^t qu'auprès de ses parents au pays alors qu'il y a d'exellentes écoles à Douala et yaoundé et beaucoup d'activités d'éveil pour qui est prêt à payer, ce qui semble être le cas de ces adultes qui vivent en Europe et dont je parle ... Et même dans les zones reculées, il y a parfois des enseignants très qualifiés (depuis la décentralisation des universités) pouvant donner des cours de répétition (ills n'ont pas beaucoup de choix avec le cours de la vie).<br /> je suis consciente d'être H.S. par apport aux couples mixtes mais le cas que vous avez décrit m'a mise en colère car je trouve que c'est de l'inconscience d'avoir fait venir ces enfants dans ces conditions. mais vous savez maintenant que les africains et la psychologie... <br /> <br /> J'ai trouvé que vous étiez incomplète en parlant des enfants des couples mixtes (je sais, le sujet est vaste).<br /> concernant les enfants avant mariage, j'aimerais qu'une prochaine fois, vous écriviez quelque chose sur cette autre inconscience dont sont doués beaucoup d'hommes européens qui rencontrent leur africaine par internet: ils adoptent tout de suite l'enfant de leur compagne qu'ils ne connaissent qu'à peine. C'est la plus grosse stupidité que j'ai pu voir dans les mariages mixtes. Est-ce réellemment "seulement un acte d'amour ou putôt un désir plus ou moins conscient d'être le "dieu" de cette fille. Quand je vais sur le site "amourlove", j'ai parfois comme l'impression qu'il y a comme une espèce de pression qui ne dit pas son nom à ce sujet: un homme européen demande des renseignements sur le mariage au pays. il mentionne que sa fiancée qu'iln'a jamais vue (ou alors une seule fois) a un enfant. Et tout de suite, on lui dit que s'il reconnait l'enfant, tout sera plus facile pour les formalités administratives de celui-ci. ça met celui qui a un minimum de conscience et qui ne veut pas dans une situation délicate. Il me semble que l'adoption ou la reconnaissance d'un enfant implique trop de choses pour être galvaudée de cette manière. Dans tout ça, que devient le père biologique? <br /> je trouve que c'est aussi une sorte d'exploitation de l'européen car une fille africaine avec enfant qui épouse un africain ne lui demandera jamais d'adopter ou de reconnaître cet enfant car elle sait déjà que l'africain n'acceptera pas. maintenant, il est vrai qu'un africain ayant grandi au pays n'épouse en général pas pas une femme avec enfants. dans la plupart des exceptions, il s'agit de femmes européennes et d'africains en situation délicate ou pouvant l'être (c'est à dire sans carte de résident ou sans statut définitif de réfugié).
S O S Mariage mixte
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