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S O S Mariage mixte
20 décembre 2004

Sur des oeufs marcher

L'illétrisme, la différence de niveau scolaire, c'est quelque chose de récurrent dans les couples mixtes où l'un des 2 est fraîchement immigré (i.e pour la population dont je parle, crf. catégorie "but du blog"). La tentation est alors grande de pousser l'autre à combler cet écart. On part à la recherche d'une association qui, d'une formation en cours d'emploi que, on pose des questions à ses amis : est-ce que tu sais s'il serait possible de faire un stage de...etc. Je connais pas mal d'Africaines qui ont immigré et qui ne rêvent que d'une chose : reprendre leurs études là où faute de moyens ils n'ont pas pu les poursuivre. Mais pour d'autres, la question est plus délicate. Difficile par exemple de savoir à quel âge précisément la personne a quitté l'école. Mon expérience est que si la personne ne dit pas spontanément quel diplôme elle a obtenu à la fin de la scolarité obligatoire, c'est qu'elle a quitté l'école vraiment tôt, typiquement vers 12 ans parce que c'est vers cet âge que l'école devient vraiment cher pour les parents.
 Il y a sans doute des différences entre les pays africains, mais j'ai entendu beaucoup d'histoires d'adultes de la trentaine qui racontent comment on leur apprenait les fleuves et les capitales européennes à coup de bâton, comment c'était un calvaire que de devoir demander aux parents d'acheter les livres qu'ils n'avaient pas les moyens d'acheter.  Lorsqu'ils réalisent que nous sommes incapables de nommer le moindre fleuve africain, que nous sommes incapables de placer leur psys sur une carte, encore moins de citer toutes les capitales, bref, que notre ignorance est absolument abyssale en la matière, ça les blesse, je crois.  Au moins autant que ceux qui parlent de l'Afrique en termes "ethnologiques", qui imaginent que les immigrés ont vécu dans la brousse alors que l'immense majorité vient de très larges villes. 
"Combler" la différence de niveau d'éducation n'est à mon sens un projet possible que si chacun accepte d'apprendre. Un projet qui ne peut pas se mettre en oeuvre avant plusieurs années de vie commune. Ou chacun apprend de la culture de l'autre, de conversations. Ne pas se braquer sur des "fautes" d'expressions, accepter que le français d'ici n'est pas le français de là-bas. "Je vais chez le boutiquier" (à la superette, à la boutique)"Vas-te mirer, tu as une tache de sauce tomate (vas-te regarder dans le miroir" "Je ne refuse pas, mais..(je ne dis pas que tu as tort, mais mon avis c'est)""Il fût son ami" (passé simple utilisé dans la conversation courante, sans aucune volonté de prétention). Après, quand chacun est rassuré, alors le projet d'acquérir une formation dans la société d'acceuil devient possible, comme devient possible l'envie de pouvoir lire plus vite, d'écrire soi-même ses lettres, d'apprendre des choses sur l'histoire, la politique etc. du pays d'acceuil. Possible de communiquer à l'autre la nostalgie des contes des grands-parents, des chasses de rats et d'oiseaux, des rites animistes. Avec le temps. Et la distance. Et...........................la modernité : quand le livre reste un obstacle, internet ou un CD-Rom ou un CD audio peuvent être un moyen de s'informer, d'accéder au savoir sans avoir à se coltiner les souvenirs humiliants de l'enfance. Et si la personne illettrée pose une question sur la grammaire ou l'orthographe, vous vous rendrez compte à quel point ces savoirs sont difficiles à acquérir à partir de rien et vous admirerez les profs. Ce que la recherche pédagogique montre, c'est que demander à la personne qu'elle est sa théorie derrière la question, comment elle s'imagine que se conjuge telle ou telle chose, c'est ce qu'il  y a de plus efficace et de plus valorisant pour la personne. Sur des oeufs, marcher, en filigrane.
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